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Dans le cadre du projet Essaim, qui vise à développer l’employabilité des apprenants par l’apprentissage des soft skills, nous nous penchons aujourd’hui sur un sujet crucial : l’attention. Ce thème est d’autant plus pertinent dans le contexte d’accélération que nous vivons. Comment pouvons-nous prendre soin de notre attention dans un monde où tout va de plus en plus vite ?

L’attention : une fonction cognitive essentielle

L’attention est une fonction cognitive fondamentale qui nous permet de filtrer les informations perçues par nos sens. Ce processus de filtrage implique une sélection, où nous choisissons un objet à isoler du reste. Ce choix peut être intentionnel (endogène) ou involontaire (exogène). Par exemple, nous pouvons décider de nous concentrer sur une tâche spécifique, mais notre attention peut également être détournée par des stimuli externes, comme le son d’un oiseau.

L’accélération : un concept sociologique

Le concept d’accélération, développé par le sociologue allemand Hartmut Rosa, désigne l’augmentation de la vitesse dans une même unité de temps. Cette accélération se manifeste dans trois dimensions : l’innovation technique, les changements sociaux et les rythmes de vie. Bien que l’innovation technique nous libère de certaines tâches, elle crée paradoxalement un sentiment de surcharge, où nous avons l’impression de ne jamais pouvoir tout accomplir.

Le paradoxe de l’attention et de l’accélération

Nous sommes confrontés à un paradoxe : l’accélération de notre société ne correspond pas au rythme de notre attention. Bien que nous souhaitions souvent suivre ce rythme effréné, notre attention, limitée et volatile, ne peut pas s’y adapter sans s’épuiser. Ce décalage entre les rythmes biologiques, physiologiques, économiques et cognitifs est au cœur de notre réflexion.

Les témoignages de Katia et Tania

Katia et Tania, deux essaimeuses, partagent leurs expériences sur l’importance de l’attention. Selon Tania, la motivation et l’attention sont essentielles pour l’apprentissage. Elle souligne l’importance de s’engager dans une tâche avec envie et de diriger son attention vers les savoirs disponibles.

Katia, quant à elle, décrit l’attention comme une ressource limitée et précieuse. Elle explique comment l’attention sélective permet de filtrer les informations parasites et de mieux retenir les connaissances. Par exemple, en éloignant son téléphone lors de ses révisions, elle a pu mieux se concentrer et mémoriser.

Mobiliser l’attention des apprenants

Pour mobiliser l’attention de ses apprenants, Katia les rend acteurs de leur formation. Ses formations comprennent 70% d’expérience pratique. Elle varie systématiquement les méthodes pédagogiques en utilisant une diversité de supports tels que des vidéos, des activités pratiques, et des sessions en sous-groupes ou en binômes. Chaque travail intersession inclut des séquences d’analyses réflexives en binômes pour solliciter la mémoire et favoriser l’ancrage des connaissances. Elle utilise notamment la méthode FAST (Fait - Analyse - Solution - Transfert) pour structurer ces réflexions.

L’attention et l’homéostasie

Katia insiste également sur l’importance de l’attention dans le maintien de l’homéostasie, la capacité d’un système à maintenir sa stabilité malgré les fluctuations externes. Elle donne l’exemple du taux de calcium dans le sang, régulé de manière autonome par le corps. Une mauvaise gestion de cette régulation peut entraîner des déséquilibres et dégrader notre état de santé. De même, dans les parcs naturels, des suivis de population et d’évolution du milieu sont mis en place pour identifier les signes avant-coureurs de déséquilibres écologiques. L’attention permet de surveiller et de réagir aux changements captés, préservant ainsi l’équilibre.

L’explicitation comme remède anti-accélération

Tania, vice-présidente de l’Université du Facteur Humain (UFH), a récemment introduit la pratique de l’explicitation dans ses formations. Elle explique que l’entretien d’explicitation nourrit la motivation intrinsèque en aidant les apprenants à prendre conscience de leurs actions et compétences. Ce processus renforce leur Sentiment d’Efficacité Personnelle (SEP), essentiel pour apprendre et sortir de leur zone de confort. L’explicitation permet également de tirer des leçons des échecs, en identifiant les erreurs et en trouvant des solutions pour réussir à l’avenir. A l’UFH, cette pratique est intégrée dans la formation des facilitateurs pour équilibrer les retours d’expérience et mettre en lumière les réussites.

L’entretien d’explicitation à deux

Tania et Katia ont créé une fiche sur l’explicitation pour guider ce processus. Tania souligne que bien que les questions de l’entretien puissent sembler réalisables seul, la présence d’un autre est cruciale. Cette présence permet de mieux conscientiser nos actions et de recentrer notre attention. L’autre agit comme un garde-fou, nous aidant à rester concentrés sur l’objet de l’entretien et à éviter les généralisations ou les digressions.

Katia ajoute que l’entretien d’explicitation à deux, expérimenté dans le cadre de leur parcours d’essaimeuse, a démontré sa puissance pour mieux comprendre les événements vécus. Cette pratique développe la capacité d’apprentissage et renforce la confiance en soi, essentielle dans un contexte d’accélération et d’incertitude. La présence de l’autre, attentive et présente, enrichit le processus de réflexion et d’exploration personnelle.

L’avenir de l’attention dans un monde en évolution

En regardant vers l’avenir, Elsa souligne l’importance de sortir de la vision managériale de la gestion de l’attention. Elle critique l’idée de contrôler notre attention comme une machine, soulignant que la volatilité de l’attention n’est pas un problème en soi. Le véritable enjeu éthique réside dans l’économie de l’attention, où notre attention est exploitée sans bénéfice à long terme pour nous. Avec le développement de l’IA générative, il est crucial de se concentrer sur des projets communs et de définir la place de l’IA dans notre société. C’est dans cette attention conjointe au commun que réside notre avenir.

Un article rédigé sur la base des échanges en webinaire entre :