Fatigue mentale, isolement, anxiété… Ces dernières années, le bien-être des apprenants s’est imposé comme un sujet incontournable dans le champ de l’éducation et de la formation. Ce qui était autrefois perçu comme un “à-côté” est désormais reconnu comme un prérequis à l’apprentissage.
Pour les professionnels du secteur — designers pédagogiques, formateurs, responsables de parcours — la question ne se pose plus en termes de pertinence. Il ne s’agit plus de savoir s’il faut s’en occuper, mais comment l’intégrer concrètement dans nos pratiques pédagogiques.
Depuis la crise du Covid, les indicateurs de santé mentale des apprenants se sont dégradés de façon préoccupante.
En 2023, une étude menée par l’Étudiant révélait que plus d’un étudiant sur deux se déclarait anxieux. Selon l’Université de Bordeaux, la proportion de jeunes présentant des symptômes dépressifs a presque doublé depuis 2020. Et selon l’UNEF, près de deux tiers des étudiants interrogés affirmaient se sentir isolés durant leur formation.
Ces chiffres, bien qu’alarmants, ne concernent pas uniquement les étudiants en université. Ils valent aussi pour les publics adultes en reconversion, les alternants, ou encore les apprenants à distance. Le malaise est global, et touche tous les formats.
Plus encore, l’UNESCO rappelle que le bien-être émotionnel est directement lié à la réussite académique. Autrement dit : il ne s’agit pas d’un enjeu périphérique, mais bien d’un facteur clé de performance pédagogique.
Le bien-être ne se résume pas à une “ambiance sympa” ou à un bon climat de groupe. Il agit en profondeur sur plusieurs plans essentiels à l’apprentissage.
Sur le plan émotionnel, il favorise le sentiment de sécurité, la gestion du stress et la motivation. Sur le plan cognitif, il améliore la capacité à se concentrer, à mémoriser, à persévérer. Sur le plan social, il soutient l’engagement, l’entraide, le sentiment d’appartenance. Et sur le plan physique, il influence l’énergie, le sommeil, la qualité d’attention.
Les recherches en neurosciences l’ont bien montré : sans sécurité émotionnelle, il n’y a pas de cerveau disponible pour apprendre. L’apprentissage, ce n’est pas qu’une affaire de contenus : c’est une expérience globale, qui engage tout l’être.
Intégrer la question du bien-être ne signifie pas “faire du développement personnel” ou multiplier les sourires forcés. Cela commence par des choix pédagogiques simples, mais structurants.
Commencer une session par un rituel d’ouverture, un tour de météo intérieure ou un temps de respiration, permet d’installer un climat de confiance. Prévoir des espaces de parole informels ou des temps de feedback sincères aide à faire circuler la parole, à libérer les tensions. Adapter le rythme — en laissant de la place à la pause, à l’autonomie, au travail asynchrone — respecte les besoins physiologiques des apprenants. Et reconnaître les efforts fournis, au-delà des seuls résultats, renforce l’estime de soi et le sentiment de progression.
Mais surtout, cela suppose une posture pédagogique renouvelée : ne plus se positionner “au-dessus”, dans une logique descendante, mais “avec” les apprenants. Adopter une posture de facilitateur, de pair ou de guide, dans une relation plus horizontale et humaine.
Nous pensons que la qualité d’une formation ne se mesure pas uniquement à la richesse de son contenu, mais aussi — et peut-être surtout — à l’expérience vécue par les apprenants.
Travailler sur le bien-être, ce n’est pas ajouter une touche cosmétique de bienveillance. C’est repousser les limites de la pédagogie traditionnelle pour créer des environnements réellement propices à l’apprentissage.
Le bien-être des apprenants n’est pas un luxe. C’est une exigence éthique, un levier stratégique, et un facteur de réussite durable. Il est temps que la formation professionnelle s’empare pleinement de cet enjeu. Non comme une contrainte, mais comme une opportunité d’innover autrement, de mettre l’humain au cœur.
Essaim est un projet co-porté par Humans Matter, CollectivZ, Le Lab RH.
Tous droits réservés ©essaim-community.com